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Entretien avec OA Legal, première Etude d’avocat à recevoir la certification B Corp en Suisse

2 février 2021


OA Legal, première Etude d’avocat à recevoir la certification B Corp en Suisse : Entretien avec Fabien Gillioz, Partner chez OA Legal, et Sébastien Chahidi, Responsable Certification B Corp chez B Lab Suisse.


OA Legal, une étude d'avocats basée à Genève, a tout juste annoncé qu'elle était devenue une entreprise certifiée B Corp. Elle est la première Étude d’avocats à se voir attribuer une telle certification en Suisse. La certification B Corp est délivrée aux entreprises qui répondent aux plus hautes exigences de performance sociale et environnementale vérifiée, de responsabilité légale, et de transparence.


Nous avons posé quelques questions à Fabien Gillioz, Partner chez OA Legal, et à Sébastien Chahidi, Responsable Certification B Corp chez B Lab Suisse. Ils y discutent de cette étape notable pour l’Etude, de son rôle de pionnier, et des implications plus larges en termes de responsabilité et de transparence pour le métier d’avocat.


Afin d’initier cet entretien, pourriez-vous nous présenter en quelques mots OA Legal ?


Fabien Gillioz : L’Etude existe depuis plus de 30 ans, mais elle vient de connaître une grande refonte structurelle l’année passée. Au vu de la pandémie qui a débuté en 2020, nous avons décidé d’accélérer notre processus de digitalisation pour pouvoir basculer dans un mode de fonctionnement « sans papier ». Nous avons donc mis en place un système sécurisé pour communiquer avec les autorités genevoises et suisses au moyen de la signature électronique qualifiée et également mis en place un espace numérique de travail collaboratif. Par ailleurs, avec ce nouveau système, nous avons pu faire de OA Legal la première société anonyme créée de manière 100 % virtuelle en Suisse. Nous avons également formalisé à l’interne un Manifesto sur les valeurs que prône l’Etude pour tous ses membres, ainsi que des directives de durabilité, notamment sur le « green office », le numérique responsable et la protection des données.


OA Legal est la première étude d’avocats à obtenir la certification B Corp en Suisse. Comment envisagez-vous votre rôle de pionnier dans votre domaine ?


Fabien Gillioz : Nous sommes une Etude d’avocat qui offre des services juridiques, nous ne vendons pas en soi de produit polluant. En revanche, nous consommons une quantité de papier faramineuse. Nous avons donc décidé de prendre les mesures nécessaires pour réduire de manière conséquente notre utilisation du papier et tendre au « sans papier » à chaque fois que cela se justifie. Savez-vous qu’une Etude d’avocat peut consommer jusqu’à une demi-tonne de papier par année ? En atteignant notre objectif, c’est l’équivalent des émissions de deux voitures par année que nous économiserons. Cela peut sembler peu, mais ramené à une Etude de notre taille, l’impact ne paraît pas négligeable.


Avec les récentes technologies, cet objectif est tout à fait réalisable. Il y a par ailleurs un projet en Suisse qui s’appelle Justitia 4.0 qui permettra d’ici 2026 au système judiciaire suisse de passer au numérique. Ainsi, toutes les parties d’une procédure judiciaire pourront communiquer par voie électronique avec quelque 300 tribunaux, les ministères publics et les barreaux à l’échelon cantonal et fédéral. 2026 peut paraître lointain, mais pour nous c’est déjà demain. Il faut donc sans plus tarder pouvoir être suffisamment agile pour anticiper cette réforme et optimiser l’environnement de travail en conséquence.


Aujourd’hui, encore beaucoup d’avocats continuent à envoyer des lettres recommandées alors qu’un envoi numérique avec la signature qualifiée et l’utilisation d’emails sécurisés a la même force probante. De manière générale il ne se justifie plus aujourd’hui d’envoyer une lettre lorsqu’un simple email est possible. Nous souhaitons effectivement nous inscrire en tant que moteur du changement en privilégiant le numérique, comme d’autres Etudes qui ont déjà pris ce virage, et tenter d’accélérer le processus de digitalisation au sein de notre profession en vue de Justitia 4.0.


Sébastien Chahidi : Au sujet du rôle de pionnier, n’oublions pas que, historiquement, le métier d’avocat véhicule aussi une attente d’exemplarité, un rôle de modèle. L’engagement fort des équipes d’OA Legal à améliorer leur impact social et environnemental est ainsi parfaitement aligné avec ce rôle de modèle, qui fait « ce qui est juste ». OA Legal se positionne ainsi comme un cabinet innovant, engagé et responsable.


Comment le processus de certification s’est-il déroulé à l’interne ? Quels changements cette démarche a-t-elle impliqué chez OA Legal ?


Fabien Gillioz : Notre envie de rejoindre la communauté B Corp date déjà de 2016, nous avions alors tenté la certification, mais nous ne l’avions pas obtenue à quelques points près. Cela nous a pris longtemps pour redémarrer le processus, car les exigences pour obtenir la certification n’ont cessé d’augmenter. Les évènements de l’année passée nous ont fait prendre conscience que nous n’avions tout simplement pas le choix de faire une refonte structurelle importante pour pouvoir nous donner les moyens d’améliorer notre impact positif.


Lorsque nous avons exposé cette refonte à tous les membres de l’Etude, le consensus a été immédiat. Nous avions déjà une forme collaborative de fonctionnement au sein de l’Etude, mais la crise sanitaire et l’engouement pour la certification ont accéléré cette approche. Les liens entre les collaborateurs-trices ont été renforcés, et le travail de toute l’équipe nous a permis de rapidement basculer sur un modèle encore plus agile. Plusieurs démarches ont également été menées pour améliorer notre impact positif. Nous avons notamment intégré dans nos statuts constitutifs que notre Etude doit avoir un impact positif important sur la société et l'environnement, dans le cadre de ses activités commerciales et opérationnelles. Nous avons également contacté tous nos sous-traitants pour les informer de notre politique « sans papier » et changé de partenaire bancaire pour une banque plus locale et plus durable.


Pour être honnête, nous sommes très fiers d’avoir obtenu cette certification, car elle est exigeante et nécessite une vraie réflexion. Pour nous, il s’agit d’une reconnaissance de tous les efforts que nous avons dû fournir, mais il ne s’agit pas non plus d’une fin en soi. Si nous ne l’avions pas obtenue, nous aurions tout de même continué à améliorer nos processus internes, parce que nous sommes convaincus que c’est ce qu’il faut faire pour devenir une Etude pérenne.


Sébastien Chahidi : L’obtention de la certification B Corp est effectivement exigeante – c’est ce qui fait sa force. Elle implique une évaluation rigoureuse des performances environnementales et sociales et de la gestion d’une entreprise. Nous analysons la manière dont le management gère ses équipes, l’empreinte écologique de l’entreprise, ses fournisseurs, et son impact sur les communautés avec lesquelles elle interagit.


Heureusement, ces nombreux efforts sont récompensés. Par exemple en matière de recrutement de talents, un domaine dans lequel nous anticipons des retombées positives pour OA Legal. Nous le voyons dans notre pratique quotidienne au sein de B Lab Suisse au contact des entreprises ou des étudiants auxquels j’enseigne : la recherche de sens dans sa vie professionnelle va grandissante. Des jeunes renoncent à des salaires élevés au profit d’une meilleure résonnance avec leurs valeurs, et des profils plus expérimentés quittent leurs postes des structures multinationales pour rejoindre des entités clairement orientées vers l’impact positif.


Le travail effectué par les équipes d’OA Legal et récompensé par la certification s’inscrit dans cette tendance, qui touche d’ailleurs tous les domaines d’activité.


Quels objectifs poursuivez-vous à long terme en rejoignant le mouvement B Corp ? Quels sont vos futurs engagements (p.ex. feuille de route sur 3 ans) ?


Fabien Gillioz : Nous sommes conscients qu’une politique « sans papier » n’est pas non plus sans conséquence si l’on met en évidence la pollution numérique que cela peut engendrer. Cela doit bien évidemment s’accompagner d’une politique du numérique responsable pour pouvoir pallier les effets indésirables découlant (par exemple de l’utilisation de serveurs pour la fourniture de nos services). Mais cela n’est pas suffisant. Nous avons pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à notre recertification dans 3 ans.


Pour ce faire, nous allons évaluer l’empreinte carbone de l’ensemble des activités de notre Etude. Puis nous allons identifier comment la réduire au maximum, et les actions les plus efficaces pour la compenser. Nous avons d’ores et déjà identifié une série de mesures que nous sommes en train de prioriser, afin d’avoir une feuille de route cohérente et réalisable.


Quels conseils donneriez-vous à d’autres acteurs du secteur juridique qui souhaitent rejoindre le mouvement B Corp ?


Fabien Gillioz : Aujourd’hui nous sommes la première Etude suisse à devenir B Corp, ce qui peut être considéré comme une reconnaissance de notre politique de durabilité. Mais demain, nous pensons que cela deviendra une nécessité. Nous le voyons déjà avec certains clients internationaux qui évaluent tous leurs fournisseurs sur leur politique de responsabilité sociale. Il nous arrive en effet de plus en plus de répondre à des questionnaires à ce sujet et de justifier de nos bonnes pratiques (notamment non-discrimination, diversité, inclusion).


Afin de pouvoir traverser en douceur cette transition dans cette nouvelle économie qui se dessine, nous ne pouvons que vivement recommander à ceux qui le souhaitent de prendre les mesures nécessaires pour s’adapter aux enjeux de notre génération, tant au niveau de la transformation digitale, climatique qu’économique.


Nous pensons que nous avons tous un rôle à jouer dans la promotion de la durabilité. Pour notre part, nous nous sommes engagés à avoir un impact positif dans le cadre de notre activité quotidienne et à œuvrer dans l’intérêt général.


Sébastien Chahidi : Cela a très bien été dit plus haut : demain, cela deviendra une nécessité pour tous les acteurs économiques de se positionner sur les défis liés à la crise climatique. Dans les faits, les entreprises qui mesurent et améliorent leur performance sociale et environnementale et leurs pratiques de gouvernance se trouvent déjà avantagées par rapport à leurs concurrents. Que ce soit au niveau des gains d’efficacité induits par une meilleure utilisation des ressources, des nouvelles normes de reporting à venir, des marchés publics cantonaux et fédéraux où les soumissionnaires « durables » sont récompensés, ou encore par l’identification et la prévention de risques dans la chaîne de valeur – par exemple réputationnels. La prise en compte des enjeux de durabilité est devenue un incontournable.





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